desordreDans le train de retour de Karslruhe, j'ai vu la fin du monde advenir : un jeune pas très poli (m'a pas rendu mon bonjour quand il s'est assis à côté de moi) a déplié son ordinateur de genou et s'est profondément immergé dans son travail dont je n'ai pas perdu une goutte à la fois fasciné et dégoûté. Le jeune homme en question est apparemment journaliste dans un média online et, entre Paris et Marseille, il a écrit trois articles, l'un sur le conclave papal, l'autre sur les niches fiscales pour Français expatriés et un autre sur l'évolution du tourisme hivernal en France. Et il était parti pour attaquer un quatrième article à propos des 80 ans du 8 mai 1945. Alors d'abord il commence par regarder dans ses mails (il en reçoit au moins 200 par jour) quels sont les articles à produire, ensuite il lance une fenêtre de ChatGPT et commande son article, ensuite il va chercher des images (elles sont nulles les mages qu'il choisit, ou qu'il donne à faire à une autre AI - les niches fiscales), il récupère le texte de ChatGPT, il modifie un peu l'ordre des compléments dans la phrase pour tromper je ne sais pas qui, tel un cancre, et ensuite il lance un outil-maison de sa boîte de publication qui fait la critique de l'article, "46% de voix passive", "la phrase centrale de l'article n'est pas dans le premier paragraphe", que sais-je encore ? il ordonne alors à Chatgpt de tenir compte de ces "critiques", ensuite il demande une liste de mots-dièses et une méta-description (en spécifiant "en moins de 144 caractères"), il la soumet à l'interface-maison qui valide ou fait reprendre, et ensuite il colle tout dans les différents champs de son interface de publication qui lui propose quelques altérations d'images selon des filtres préréglés, il choisit (la pire des altérations), il clique sur "publier", il récupère l'URL qu'il copie-colle dans un mail qu'il envoie à l'adresse @team, entre-temps il a reçu une vingtaine de mails de ses collègues pour signaler leurs publications, il supprime les mails sans les lire. Ses collègues sont-ils humains ? Se pose-t-il la question ? L'est-il ?
Il n'avait que mépris me voyant prendre des panoramiques déstructurés du paysage défilant.
desordre Dans le train de retour de Karslruhe, j'ai vu la fin du monde advenir : un jeune pas très poli (m'a pas rendu mon bonjour quand il s'est assis à côté de moi) a déplié son ordinateur de genou et s'est profondément immergé dans son travail dont je n'ai pas perdu une goutte à la fois fasciné et dégoûté. Le jeune homme en question est apparemment journaliste dans un média online et, entre Paris et Marseille, il a écrit trois articles, l'un sur le conclave papal, l'autre sur les niches fiscales pour Français expatriés et un autre sur l'évolution du tourisme hivernal en France. Et il était parti pour attaquer un quatrième article à propos des 80 ans du 8 mai 1945. Alors d'abord il commence par regarder dans ses mails (il en reçoit au moins 200 par jour) quels sont les articles à produire, ensuite il lance une fenêtre de ChatGPT et commande son article, ensuite il va chercher des images (elles sont nulles les mages qu'il choisit, ou qu'il donne à faire à une autre AI - les niches fiscales), il récupère le texte de ChatGPT, il modifie un peu l'ordre des compléments dans la phrase pour tromper je ne sais pas qui, tel un cancre, et ensuite il lance un outil-maison de sa boîte de publication qui fait la critique de l'article, "46% de voix passive", "la phrase centrale de l'article n'est pas dans le premier paragraphe", que sais-je encore ? il ordonne alors à Chatgpt de tenir compte de ces "critiques", ensuite il demande une liste de mots-dièses et une méta-description (en spécifiant "en moins de 144 caractères"), il la soumet à l'interface-maison qui valide ou fait reprendre, et ensuite il colle tout dans les différents champs de son interface de publication qui lui propose quelques altérations d'images selon des filtres préréglés, il choisit (la pire des altérations), il clique sur "publier", il récupère l'URL qu'il copie-colle dans un mail qu'il envoie à l'adresse @team, entre-temps il a reçu une vingtaine de mails de ses collègues pour signaler leurs publications, il supprime les mails sans les lire. Ses collègues sont-ils humains ? Se pose-t-il la question ? L'est-il ?
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